mardi 3 novembre 2009
LE LAUREAT 2009: OLIVIER POLGE
C’est le 21 octobre 2009, que le prix International du Parfum fêtait sa dixième édition. Le maestro William Christie, le créateur des « Arts Florissants » a remis à Olivier Polge le trophée Lalique (photo ci-contre), lors d’une soirée organisée sous les auspices de la Chambre de Commerce de Versailles et de l’Isipca. L’hôtel particulier de la Comtesse du Barry, propriété de la Cci, accueillait les invités et notamment les membres du jury qui cette année, autour de William Christie son Président et Nicolas de Barry, son secrétaire général était composé de : Isabelle Dufour (Directrice de l’ISIPCA), des parfumeurs Emmanuelle Giron et Pierre Nuyens, de Stéphane Piquart (Directeur de Be Have), de Georges Vigarello ( Professeur à l’Ecole des Hautes Etudes) et de Mathieu da Vinha (responsable du Centre de Recherche du Château de Versailles).
Une vocation à la fois évidente et longue à se révéler
Peu d’ingrédients, pas mal d’instinct et autant de
rigueur : il façonne ses parfums avec une
sophistication minimaliste et jongle avec les
paradoxes. Une écriture plutôt abstraite pour une
approche presque artisanale de la matière, Olivier Polge assume l’apparente contradiction.
L’éveil des sens :
Il est né (nez ?) dedans et pourtant… Pour ce fils
de parfumeurs, les premiers souvenirs olfactifs sont
diffus : le dessus d’une commode couverte
d’échantillons dans l’entrée du domicile familial ;
odeurs de pierres humides dans un escalier ou
d’une bouée noire en caoutchouc (un pneu
recyclé) liées aux vacances chez ses grands-
parents… Cette mémoire qu’Olivier juge aussi
fondamentale qu’indélébile se dérobe pourtant à
l’exercice forcé de la conscience. C’est à peine
s’il s’en étonne : “ à la maison, on échangeait
davantage sur la peinture, par exemple, que sur le
parfum ” confie ce grand jeune homme qui se
drape agilement dans la timidité pour ne pas trop
se dévoiler…
Avec un bagage d’histoire de l’art et une fibre
d’artisan, Olivier débarque un beau jour dans un
labo pour un stage de parfumerie. C’est à la
pesée des matières premières qu’il découvre peu
à peu son affinité pour le sujet : “ Je me suis rendu
compte que c’était un vrai métier, limite manuel.
Je voyais surtout l’aspect concret, santal visqueux,
coumarine en poudre ”… Plus tard chez Charabot
à Grasse, puis chez ACM à Genève, il complète sa
formation sur les matières en s’essayant
parallèlement à la composition : “ poussé par la
curiosité mais pas franchement encouragé, j’avais
encore une idée assez peu réaliste de la
parfumerie et je n’avais toujours pas compris que
c’est dans un bureau que s’exerceraient
principalement mes activités ”.
La réalité le rattrape à New York lorsque,
embauché par IFF, il s’expatrie pour tenter sa
chance loin du bercail. Il y côtoie Carlos Benaim
(avec lequel il signe le Emporio White for men
d’Armani) ou Sophia Grojsman, entre autres, et
découvre les rouages du business de la parfumerie
contemporaine. De retour en France 5 ans plus
tard mais toujours chez IFF, il franchit un nouveau
cap, presque un deuxième départ, dans sa toute
jeune carrière : “ j’ai eu l’impression de retrouver
une culture du parfum et une sensibilité plus
proche de la mienne se souvient-il, amusé. Le
plaisir de ces retrouvailles ne tarde pas à se faire
sentir et si pour Pure Poison de Dior ou Flower
Bomb de Viktor & Rolf il partage encore l’affiche
avec Carlos Benaim et Dominique Ropion, il
s’attaque seul, en direct avec Hedi Slimane, à la
composition du Dior Homme : “ C’est un produit
dont je suis vraiment fier note Olivier. Grande
liberté de développement, complicité avec le
créateur : je l’ai vécu comme une bouffée d’air
frais, la sensation d’avoir fait un parfum dans des
conditions rêvées ”…
L’art et la manière
Le thème boisé-iris du Dior Homme, justement, il
s’en souvient comme d’une idée forte qui les a mis
tout de suite d’accord. “ Très peu d’ingrédients
dans un habillage soigné, c’est l’objectif que je
voulais atteindre”. Une approche acquise
pendant ses années d’apprentissage lorsqu’il
devait recréer avec 5 matières premières
maximum l’accord majeur d’un grand classique
de la parfumerie. “ Quand je travaille seul, j’essaye
d’avoir de la rigueur, de me donner un cadre, de
ne pas mettre des produits qui ne servent à rien
par exemple ”, souligne-t-il. Ce qui ne l’empêche
pas de plaider pour une parfumerie instinctive qui
se cherche dans le déclic ou les affinités d’un brief
pour mieux s’épanouir.
“ Orientaux, boisés, si certains thèmes m’inspirent
plus que d’autres, je peux aussi accrocher sur un
projet à partir d’une facette, d’une matière
première ou d’une simple note si elle me parle ”.
Pas facile à cerner, Olivier n’est pas non plus de
ceux que l’on captive avec des histoires au ras
des pâquerettes. Ni bucolique, ni figuratif, le
parfum reste avant tout pour lui une élaboration
mentale, abstraite : “ Je ne l’imagine pas comme
une continuité de la nature mais plus comme une
forme de sophistication ”. Et lorsqu’on lui
demande, au jeu du portrait chinois, d’associer le
parfum à un paysage, il répond : “ urbain ” sans la
moindre hésitation ! Poète d’une nature distancée
mais esthète de la matière dans sa plus simple
expression, Olivier n’en est pas à un paradoxe
près ! Richesse et complexité un profil plein de
ressources qui n’a pas encore livré tous ses secrets
mais qui participe déjà activement au charisme
de l’individu…
Entretien avec Olivier Polge
· Comment avez-vous commencé à créer des parfums ? Qu’est-ce qui vous y poussait ?
· Mon premier contact réel avec la parfumerie est passé par des stages d’été. Il me semblait que
c’était un métier artisanal, ce qui me plaisait. J’avais l’impression que j’allais faire un métier
manuel. J’avais commencé par un stage en usine à Grasse sur les matières premières, il fallait
remplir les extracteurs des matières premières naturelles qu’on recevait, et il me semblait que
c’était un métier avec les pieds sur terre, des choses réelles, liées à des saison, avec des huiles,
des poudres, des résines, comme la cuisine.
· Comment travaillez-vous ? Avez-vous besoin d’un grand nombre de matières premières ?
· J’essaie de travailler avec du bon sens, de peser plus qu’une fois la nécessité de rajouter un
nouveau produit dans une formule ; j’essaie donc de travailler avec peu de matières premières.
· Quelle est la place du naturel dans vos inspirations et dans vos formules finales ?
· Dans l’inspiration, l’organigramme de la parfumerie est fondé sur les naturels, qui sont clé. Le
débat entre naturel et synthèse est complexe, et la qualité d’un produit n’est pas uniquement liée
à la quantité de naturels. En revanche, la qualité des produits naturels choisis pour un parfum est
fondamentale. En cela, nous avons une chance unique chez IFF, avec les naturels des
Laboratoires Monique Remy, qui développent les plus beaux produits du marché. Même si
aujourd’hui, on peut déplorer que dans la réalité, l’équation économique ne nous permet souvent
pas de mettre tous les naturels qu’on souhaite, comme les essences de fleurs.
· Comment voyez-vous les parfums dans le proche futur ?
· Le retour d’une approche plus artisanale du parfum, avec une expression moins codifiée, plus
instinctive. Et du temps, surtout, pour les faire et leur donner une chance d’être appréciés.
Je suis optimiste : on peut faire autrement !
· Comment devrait-on reconnaître le travail des créateurs comme vous ?
· Le travail d’un parfumeur aujourd’hui est complexe, et très interactif. La reconnaissance du travail d’un créateur, c’est la reconnaissance de son expertise, et de son jugement.
· Devrait-on instituer un « droit d’auteur » pour les « nez »?
· Sur le principe, pourquoi pas, mais les difficultés techniques me paraissent difficilement surmontables (ainsi la complexité du nombre de matières premières)
· Quelle est votre propre parfum préféré ? Comment l’ avez-vous composé ?
· Je suis très critique envers ce que j’ai fait, et je me semble être mauvais juge de mes créations…
· Quelles sont vos matières préférées ?
· Le patchouli : Une matière à part qui a une
incidence sur la totalité du parfum. On en
rajoute rarement au cours d’un
développement… Il y a les parfums avec ou
sans patchouli ! Comme une charnière dans les
classifications olfactives.
La bergamote : aussi évidente que de l’eau !
Mais pas dans le sens de “ diluant ”. C’est un
ingrédient essentiel de ma palette. J’aime
l’idée de la rendre moins éphémère…
Les notes irisées/violettes : Un peu poudrées,
boisées, florales mais pas trop, ni typiquement
féminines, ni franchement masculines et
tellement tout ça à la fois… Elles m’évoquent
une couleur violet profond qui me séduit
beaucoup.
Les notes ambrées : Pour passer de l’odeur au
parfum ou qu’un parfum soit vraiment un
parfum, il en faut absolument ! Indispensables
dans les orientaux, je les aime dans des
tonalités opoponax, veloutées, un peu
sombres.
· êtes-vous sensible à votre image ?
· Je n’aime pas me voir en photo. C’est souvent
lisse, un peu “ cosmétique ”, j’ai l’impression que
l’on veut faire de moi une star de cinéma et j’ai
peur de décevoir. Sur celle-ci, il n’y a pas
d’artifice, c’est déjà bien ! J’ai l’air un peu dur ?
Les gens qui sourient sur les photos, je trouve ça
fatigant… Si j’avais pu choisir, j’aurais été plus loin
de l’objectif, pas de face, avec une main devant
pour me mettre davantage en retrait…
Les principales créations d’Olivier Polge
2001
Emporio White for Men
Armani
(avec Carlos Benaim)
2002
Bora Bora pour Homme
Liz Claiborne
(avec Pascal Gaurin , J-M. Chaillan)
Vera Wang for Men
Vera Wang
(avec Pascal Gaurin, J-M. Chaillan)
2002
Crave
Calvin Klein
(avec P. Gaurin, J-M.Chaillan, Y.Cassar)
2003
Happy heart
Clinique
(avec Christophe Laudamiel)
Noise
Visionaire
(avec Hedi Slimane)
2004
Blue
La Perla
(avec Bruno Jovanovic)
Pure Poison
Dior
(avec C. Benaim, D. Ropion)
Visit for Women
Azzaro
(avec D. Bertier)
2005
Boss in Motion Limited Edition Green
Hugo Boss
Apparition pour Homme
Ungaro
Dior Homme
Dior
Flowerbomb
Viktor & Rolf
(avec C. Benaim, D. Bertier, D. Ropion)
Friends
Moschino
Emporio Armani Remix for Him Armani
(avec D. Bertier)
2006
Code for Women
Armani
(avec D. Ropion & C. Benaim)
2006
Noa Perle
Cacharel
(avec D. Bertier)
Eau Parfumée au Thé Rouge Bulgari
Miracle Forever
Lancome
(avec D. Ropion)
2007
Liberté
Cacharel
(avec D. Bertier)
F by Ferragamo
Salvatore Ferragamo
2008
The Beat
Burberry
(avec D. Ropion & B. Piquet)
F for Fascinating
Salvatore Ferragamo
The One for Men
Dolce & Gabbana
KenzoPower
Kenzo
The Beat for Men
Burberry
(avec D. Bertier)
2009
Only the Brave
Diesel
(avec A. Massenet & P. Wargnye)
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